Méditation  semaine de prière pour l’Unité des chrétiens 23 janvier 2022

Par le pasteur Andreas LOF

Messe de 11h à Notre Dame des Champs

Evangile: Luc 4, 16vv et I Cor 12, 14vv

 

Merci à votre curé Gabriel Sampré pour cette invitation de méditer la Parole de Dieu parmi vous ce matin dans le cadre de la prière universelle pour l’Unité de toutes les églises chrétiennes. Je me réjouis d’être accompagné par la chorale de notre paroisse de Pentemont-Luxembourg qui chantera tout à l’heure au moment de l’Eucharistie, une œuvre de JS Bach et deux cantiques protestants. Au sein de cette chorale participe des membres de nos deux communautés, témoignant des liens d’amitié et d’échange entre nos deux paroisses.

Venons maintenant à l’Evangile d’aujourd’hui.

Le jour du sabbat, à la synagogue de Nazareth, un jeune homme, charpentier, connu dans le village, se lève pour faire la lecture du livre d’Esaïe. Il lit un passage célèbre qui annonce le Messie que tout Israël attend :  « L’Esprit du Seigneur est sur moi; il m’a choisi pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, il m’a envoyé proclamer la libération des prisonniers, la vue aux aveugle, oui une année de grâce de la part de Dieu pour tous »

Après la lecture les yeux sont fixés sur lui pour entendre un commentaire sur ce texte, comme il est l’habitude le jour du sabbat. Après un silence palpable ce commentaire sera très bref mais frappe tous les oreilles: C’est aujourd’hui que ce passage s’est réalisé, accompli, au moment même que vous l’avez entendu!

Et tous étaient dans l’étonnement, selon l’évangile.  Accompli aujourd’hui? Lui le charpentier du village, fils de Joseph, serait l’élu de Dieu, celui qui a reçu l’Esprit messianique? Dieu accomplirait ses promesses aujourd’hui dans cet homme?

Oui, Dieu a accompli toutes ses promesses dans cet homme Jésus. C’est bien là le cœur de notre foi chrétienne! Celle que nous partageons tous. Nous le croyons, nous le confessons ensemble catholiques, protestants et  orthodoxes.

Oui, La Parole de Dieu, les promesses de Dieu, sont données pour s’accomplir. Elles s’accomplirons toutes un jour, parce que Dieu est Dieu et il est fidèle à ses promesses.

Et nous aussi, nous serons un jour saisis d’étonnement quand Dieu accomplira ce qu’il a promis : que tous genoux s’inclinera devant le Seigneur, sur terre ou dans le ciel!

Un jour, l’unité de l’Eglise pour laquelle Jésus a prié, comme un dernier testament pour ses disciples avant de mourir :  Père que tous soient un, comme toi et moi nous sommes un! un jour cette unité de l’Eglise sera donnée et s’accomplira! Sans doute à notre étonnement de tous. Parce que le Père aura exaucé la prière de son Fils.

Mais nous le savons :  le chemin est longue et semé d’obstacles vers cette unité si ardemment souhaitée par le Christ. Est-ce que nos églises arriveront un jour à se reconnaître pleinement, sans réserve, d’appartenir à une même Eglise de Jésus Christ?  N’est-ce pas là, un horizon inatteignable, une sorte d’utopie, de rêve non réalisable?

Il y a eu, Dieu merci, des avancées remarquables sur le long chemin œcuménique, (commencé au début du XX siècle pour les protestants entre eux et au milieu du XX siècle pour l’Eglise catholique avec Vatican II).  Mais la réalité est que nous sommes toujours des églises séparées et divisées et cela après tant d’efforts et de dialogues œcuméniques. Est-ce que nous y croyons vraiment encore? Est-ce que nous la verrons un jour cette unité des chrétiens ?

Mais, quand nous en doutons méditons ceci : ce rêve est dans un sens déjà réalité… en Christ notre unité est déjà réalité, donnée, réalisée !  Nous ne sommes pas tous uni au Christ par notre baptême, catholique, protestants, orthodoxes….? Par l’unique baptême chrétien au nom du Père Fils et Saint Esprit? Tous nous sommes unis à son corps, le seul et unique Corps du Christ? Avec notre baptême nous avons tous reçu un même Esprit, nous appartenons au même Seigneur Jésus Christ, et avec lui nous avons prions et nous adorons et prions le même Père dans le ciel.

Autrement dit, ce qui nous unit est bien plus grand que tout ce qui nous divise, comme disait déjà Jean Paul II dans son encyclique sur l’unité des chrétiens Ut Unum Sint. Il l’écrit justement en parlant du baptême chrétien unique par lequel nous sommes tous unis au Christ et à son Corps. Oui, en Dieu se trouve notre unité spirituelle, et cela au-delà de nos divisions humaines sur terre.

Nous avons lu et entendu ce que Paul a écrit dans son lettre aux Corinthiens: par le Christ, en Christ, nous formons un seul corps, habité par le même Esprit, dans la diversité de nos ministères et nos charismes. En Dieu notre unité est déjà donnée mais nous la refusons, aveugles que nous sommes sur le don de Dieu.

Mais, il faut l’admettre: cette unité spirituelle et réelle en Christ n’est pas visible parmi les chrétiens. Mais elle est appelée à devenir visible parmi nous. Pour être un signe visible pour le monde.

Mais dès lors comment faut-il l’imaginer concrètement? Est-ce que c’est de tous se réunir pour une même célébration le dimanche dans un même lieu, au sein d’une même structure ecclésiale? Ou encore: que tous reconnaisse la même autorité ecclésiale, de Rome par exemple? Est-ce que c’est de tous avoir la même interprétation du mystère de la Présence du Christ dans le pain et le vin, mystère de Dieu bien trop grand pour pouvoir l’exprimer ou l’enfermer dans nos formules théologiques? Est que cela l’unité des chrétiens? Que cherchons-nous en cherchant l’unité de tous les églises chrétiennes

La vision de l’unité que nous offre la Parole de Dieu n’est elle pas beaucoup plus large et riche qu’une telle uniformité de vie d’Eglise?

Dans le NT nous avons les quatre Evangiles, qui représentent quatre manières de présenter le même Christ. Et cela avec leur style propre, leur accents théologiques parfois bien différents. Plus:  ces quatre évangiles représentent des communautés ecclésiales dans des différents pays de la méditerranée: celle de Matthieu en Syrie, de Luc en Grèce, de Marc à Rome , de Jean à Ephèse. Communautés qui sont organisées avec des structures d’autorités différents, comme nous le montre l’étude de ses textes.

Cette diversité, dans l’unité d’une même foi en Christ, a existé et caractérisé l’Eglise de Jésus Christ et cela dès ses débuts! Depuis toujours, l’unité était dans la même foi au Christ et vécue dans la diversité dans les structures de vie d’église. On peut y ajouter les églises pauliniennes fondées par l’apôtre Paul.  La liturgie (célébrée dans des maisons!) des premiers chrétiens en Antioche n’était pas la même que celle célébrée à Rome ou à Ephèse. Ainsi était-il pour l’Eglise dès ses origines !

N’est ce pas cela aussi la vision de l’apôtre Paul ? Dans le passage lu tout à l’heure de son épitre aux Corinthiens il parle de la diversité des dons et des charismes, inspiré parle même Saint Esprit. Certes il parle à l’église de Corinthe mais cette vision peut s’appliquer aussi à l’église universelle dans son unité et sa diversité. Dieu a déposé, par l’Esprit Saint, des dons spirituels différents dans nos grandes traditions chrétiennes, mais pour que le corps entier soit édifié, enrichi par les charismes de chaque grande famille chrétienne:

On peut penser pour les Eglises orthodoxes à la fidélité aux premiers siècles et à la riche théologie spirituelle des pères d’église.

Pour l’Eglise catholiques au sens de l’unité de l’église et la communion des fidèles par le don de la vie du Christ dans l’eucharistie.

Pour les églises issues de la Réforme à l’attachement à La Parole de Dieu, et la place donnée aux laïcs dans la gouvernance et la vie d’église.

Tous ses charismes et tant d’autres…. sont donnés par l’Esprit pour l’édification de l’Eglise universelle, pour la plénitude de la foi chrétienne, qui est à chercher ensemble, par un chemin de partage, de dialogue, de fécondation mutuelle.

Paul attire notre attention sur une autre chose: il parle de communion pour parler de l’unité de l’église. Konoinia, ce mot grec est en effet de plus en plus préféré dans le débat œcuménique pour indiquer le but que nous recherchons. Non pas de vivre notre foi et notre vie d’église d’une même manière mais d’être en communion les uns avec les autres avec nos différences et charismes propres. En se reconnaissant mutuellement, pleinement comme église de Jésus Christ.

Le credo, la foi des apôtres, que nous confessons tous avec les mêmes paroles (et Eglise ‘catholique’ veut bien dire ‘universelle’) pourrait former la base pour cette reconnaissance mutuelle entre protestants, catholique et orthodoxes. Exactement comme les quatre évangiles expriment la même foi en Christ, dans leur diversité ecclésiale.

Mais nous n’y sommes pas (encore). L’heure n’est pas aux avancées œcuméniques spectaculaires entre nos églises qui face à la déchristianisation très importante de nos sociétés sont plus tentées par un repli sur soi. Que pouvons-nous espérer aujourd’hui ? Nos institutions ecclésiales sont lourdes et vieilles de tant de siècles et cela ne favorise rarement l’audace et l’imagination.

Le grand théologien Karl Barth a dit que la lenteur est souvent signe du péché humain. Nos institutions ecclésiales (et pas seulement Rome) ont leur lenteur liées aux lois sociologiques et humaines qui primes souvent sur l’appel de l’Evangile et la parole du Christ: « si vous avez quelque chose contre votre frère en allant au Temple pour prier ensemble, réconciliez vous d’abord ». Entrez dans le Temple pour prier l’Eternel , mais comme des frères et sœurs réconciliés. Parole du Christ! Comment mettre cette parole du Christ en pratique?

N’est-ce pas déjà une forme de réconciliation avec des chrétiens d’autres églises, si je reconnais les dons spirituels d’une autre église, et si je me réjouis de ces dons? Dons spirituels différents peut être que ce que je vis dans mon église mais ce qui peuvent enrichir ma propre foi?

.A chacun de nous de voir quel pas nous pouvons vivre pour découvrir davantage les dons et charismes des autres traditions chrétiennes. Un pas qui est toujours à la portée  est d’aller prier avec des chrétiens d’autres confessions, chez eux, chez les évangéliques ou anglicanes, les orthodoxes ou luthériens, pour des protestants prier avec des frères et sœurs catholiques de temps en temps ou de vivre une retraite dans un lieux catholique.

Personnellement je peux témoigner que mes contacts à travers des personnes des lieux, avec la tradition franciscaine, ignacienne, bénédictine, des retraites spirituelles dans des lieux catholiques, la fréquentation de l’eucharistie dans une communauté œcuménique comme Chemin Neuf, ont enrichi ma foi en Dieu, ma vie de prière, ma relation au Christ, élargie ma lecture biblique. Cela a énormément enrichi ma foi protestante.   Avec mes frères et sœurs catholiques je me sens profondément en communion, dans une même église qui est celle de Jésus du Christ. Et cela avec mon identité protestante qui est la mienne, au sein de mon Eglise Protestante Unie.

Rencontrer et mieux connaitre l’autre, dans sa manière de vivre l’église et de prier, voilà qui fait avancer l’œcuménisme plus qu’autre chose, je le crois! Voilà ce qui peut ouvrir tant de portes à l’Esprit Saint, source et créateur de l’unité des chrétiens !  Mais pour mieux aimer l’autre il faut mieux connaître l’autre. Et pour le connaître il faut bien aller à sa rencontre et le fréquenter, dans la fidélité à sa propre église et sa propre tradition chrétienne.

Que notre prière aujourd’hui pour la pleine communion des chrétiens, à laquelle le Christ lui-même nous engage toujours à nouveau,

nous inspire des actes et des initiatifs concrets pour aller à la rencontre d’autres chrétiens et mieux connaître les richesses spirituelles que le l’Esprit Saint a donné à leurs églises, pour que notre vie chrétienne en soient élargie, enrichie et renouvelée.

AMEN